Le gamelan, réservé aux experts!!

Samedi 24 Juillet 2010, par Gabriel

Etude du gamelan


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Par quoi commencer lorsqu'on veut étudier le gamelan, tant la tâche semble énorme et sans bornes??  Et elle l'est!!

Aussi, plûtot qu'une longue description exhaustive ( qui ne le serait jamais d'ailleurs!), je préfère vous faire part de mes impressions et de mes découvertes au quotidien. Cette rubrique risque donc de s'agrandir au fil des jours!

Je m'attarderai uniquement sur le gamelan balinais, qu'on appelle ici gong kebyar , tant il existe différentes versions de gamelan à travers l'Indonésie, et parfois même d'un village à un autre!

Il est d'ailleurs extraordinaire de voir que chaque village, si petit soit-il, possède son propre et unique gamelan, et parfois même plusieurs! La plupart des musiciens sont des amateurs, mais si ce terme possède parfois une connotation péjorative chez nous, ne vous y trompez pas! Tous ces musiciens maîtrisent parfaitement leur instrument! Cela s'explique par la précocité de leur apprentissage, aux alentours de 2 ou 3 ans pour la grande majorité. A ce propos, vous avez sûrement pu voir les photos de jeunes bambins derrière leur gong ou leur gangsa dans nos articles quotidiens!

Lors de mon premier cours de gangsa ( je rappelle qu'il s'agit du métallophone le plus répandu, qui donne ce son si particulier au gamelan), j'ai pu m'attarder sur l'échelle mélodique de cet instrument. Il s'agit d'une échelle pentatonique ( cinq notes ) répétée à l'octave. Soit un total- le calcul est somme toute assez simple-, de dix notes, qui correspondent aux dix lames en métal du gangsa . On joue sur ce dernier à l'aide d'un étrange marteau en bois, qu'ils appellent ici panggul. Il semblerait, mais mon oreille est encore jeune et perfectible, que les intervalles qui composent cette gamme pentatonique soient les suivants en " language occidental": deux tons, un demi ton, deux tons, un ton, un demi ton.

Plus prosaïquement, si l'on part de Do, cela nous donnerait:  do mi fa la si do

Autant je suis à peu près certain de la justesse des tierces ( Do-mi/ Fa-la), autant j'émets quelques doutes quant à la justesse ( en terme de musique occidentale tempérée bien entendu) des secondes mineures ( Mi-fa / Si-do). Tout ça est à vérifier!!

On peut néanmoins noter que cette gamme n'a rien à voir avec ses soeurs plus connues : Do ré mi sol la pour la gamme pentatonique majeure et do mib fa sol sib pour la mineure, qui ont donné naissance aux fameuses gammes de blues! Autant la tierce mineure est omniprésente dans ces précédentes gammes, autant c'est bien la tiece majeure qui règne à Bali!

Mais parler en ces termes est de toute façon contestable et un peu ethnocentriste! les balinais ne pensent bien sûr pas la musique comme cela. Si nous avons Do ré mi fa sol la si do et les anglo-saxons A B C D E F G, les notes balinaises sont désignées par les onomatopées suivantes: Dong, deng, dung, dang, ding. Onomatopées très claires pour eux, tant leur visage s'illumine lorsqu'ils chantent les notes qu'ils jouent, mais très confuses pour nous ( pour moi en tous cas! ) qui ne différencie pas à priori un ding, d'un dung, d'un deng, ou encore d'un dang! Et vous?

Et pour moi, pauvre occidental, avec mon La à 440 hz, la chose se complique d'autant plus lorsque j'apprends que chaque dong( et donc chaque ding, dang, dung, deng...) est différent d'une gangsa à un autre. L'accordage ne se fait pas en fonction d'une fréquence précise, comme c'est le cas dans la musique occidentale mais uniquement à l'oreille!  Cette subtilité a pour effet de rendre chaque gangsa, et donc chaque gamelan unique en son genre! ( Tous les gangsa n'étant pas fabriqués par la même personne et donc pas par la même oreille...)

On ne peut donc pas remplacer un gangsa du gamelan d'Ubud avec un gangsa du gamelan de Denpasar au risque de sonner complètement faux! Amusant non?

Tout cela pour vous dire qu'utiliser do ré mi fa sol la si do ne rime pas à grand chose lorsqu'on étudie le gamelan!

Il existe un autre point acoustique assez intéressant dans le gamelan:

Chaque gangsa possède son jumeau et ils marchent toujours par paire. Mais l'un est toujours très légèrement plus haut ou plus bas que son jumeau ce qui confère au son, lorsqu'une note est jouée à l'unisson ( ce qui est toujours le cas entre jumeaux), cette fameuse " vibration" ou " résonnance" caractéristique d'un espace très faible entre deux fréquences! Tout cela est assez subtiln'est ce pas?

Cette particularité acoustique confère au gamelan un vibrato assez indescriptible!

L'effectif qui compose un gamelan est assez variable, d'une dizaine à une trentaine de musiciens! Il n'existe pas véritablement de chef d'orchestre comme dans un orchestre symphonique. Néanmoins, c'est le joueur de Kedang ( membranophone à deux peaux) qui impose le tempo et le caractère de la musique. Lorsque le gamelan accompagne une danse, ce qui est souvent le cas, c'est avant tout les danseurs sur lesquels se règlent les musiciens.

La transmission du répertoire est uniquement orale. Les musiciens connaissent des dizaines de morceaux entièrement par coeur! Je n'ai à ce jour pas vu la moindre trace d'une quelquonque partition! Mais comme la plupart des musiciens commencent leur apprentissage dès leur plus jeune âge, il n'est pas si étonnant qu'ils connaissent tout de mémoire!

Voilà pour un premier jet sur le gamelan! J'essaierai de compléter voire corriger cette rubrique au fil des jours.

A bientôt!

 

 Lundi 26 Juillet


Bonjour à tous! Je reprends la plume pour corriger et compléter cette rubrique! J'ai pu prendre mon troisième cours avec Nyoman Parman aujourd'hui. J'ai ainsi pu observer plus attentivement l'échelle mélodique du gangsa. Il s'agit en fait, en termes d'intervalles, d'un mode de fa, ou lydien, dont on aurait supprimé la tierce et la sixte! 

Les dix lames du gangsa donneraient donc un clavier tel que: Fa sol si do mi fa sol si do mi, le fa correspondant au dong, le deng au sol, le dung au si, le dang au do et le ding au mi, vous me suivez toujours?! Je rappelle toutefois que ces notes sont " fictives" et qu'elles ne correspondent pas au son entendu, c'est simplement pour simplifier la lecture que j'emploie ce mode de fa .

J'ai pu apprendre deux mélodies basiques, jouées sur le downbeat ou temps, auxquelles on rajoute le kotekan ou interlocking en anglais, joué sur l'upbeat ou contretemps. Ces deux motifs joués ensemble forment un contrepoint assez déconcertant au début mais très beau! Il me tarde de maîtriser toutes ces phrases sur l'instrument!

Par ailleurs, j'ai pu étudier les autres instruments qui constituent le gamelan:

Les gongs tout d'abord: le plus gros ( et aussi le plus grave) s'appelle " Gong" ( étonnant n'est-ce pas?), le moyen s'appelle "Kempur", et enfin le dernier, beaucoup plus petit et plus aigu s'appelle "Klentong". Chacun de ces gongs sont joués à des moments bien précis:le gong sur le premier temps, le klentong sur le second et le quatrième, et enfin le kempur sur le troisième par exemple, mais ça ne fonctionne évidemment pas toujours de cette façon!

Il existe aussi d'autres métallophones, plus graves que le gangsa, tel que le calung, qui ne possède que cinq notes, qui s'étendent du ding au dang.

Les autres instruments caractéristiques du gamelan balinais sont le riong, sorte de carillon de gongs, sur lequel on joue assis, qui possède douze notes qui s'étendent du deng au dung, et qui joue principalement des motifs rythmiques, et son frère, le trompong, composé de dix notes qui s'étendent du dang au dung et qui recouvre une fonction plus mélodique.

Enfin, le Kempli, petit gong sur lequel on joue assis à l'aide d'une baguette en bois, a pour principale fonction de marquer la pulsation ( ce qui peut sembler un peu rébarbatif pour notre joueur de kempli mais ô combien essentiel au sein d'un gamelan dont les polyrythmies sont parfois très complexes!)

A suivre...


Lundi 2 Août


Je viens de prendre un cours de gangsa avec Made Subandi, un autre professeur de gamelan. Et j'ai appris des nouvelles choses! Déja, j'ai pu joué sur un nouvel instrument: C'est aussi un métallophone mais composé uniquement de sept lames, et donc sept notes. Il ne s'agit donc plus d'une gamme pentatonique répétée à l'octave mais d'une gamme heptatonique. Comme toujours, je me suis intéressé aux intervalles qui la composait: il s'agit en fait d'un mode de mi, ou phrygien, ni plus ni moins! Nous avons donc un clavier de type: Mi fa sol la si do ré du grave à l'aigu. Aucune note n'est donc répétée à l'octave, à la différence du gangsa sur lequel j'avais pu jouer. Cela nous donne donc un mode un peu plus riche - deux notes en plus tout de même!- même si nous sommes encore assez loin de notre gamme chromatique! De plus, j'ai pu observer qu'ils n'utilisaient jamais toutes ces notes dans un même morceau, ainsi, cette échelle peut elle-même être divisée en cinq modes que voici:

Patet selisir: Mi fa sol si do ( les mêmes intervalles que sur le gangsa à dix lames, en partant du mi ici, au lieu du fa habituellement.)

Patet Tembung: Mi fa la si do ( le mode sur lequel j'ai joué lors d'une répétition et pendant mon cours.)

Patet sundaren: Fa sol si do ré

Patet sulendro ageng: Mi sol la si ré ( qui n'est autre que la gamme pentatonique mineure connue de tous.)

Patet sulendro alit: Fa sol la do ré ( qui correspond à la gamme pentatonique majeure la plus répandue.)

Mais comment appelle t-on ces deux nouvelles notes me direz-vous? Le la ( toujours fictif je le rappelle), situé entre ndeng et ndung ( avec ou sans "n" au début), s'appelle tout simplement ndeung ( malins ces balinais), et le ré, situé entre ndang et le nding s'appelle, vous l'aurez tous deviné, ndaing!

Voilà pour les précisions concernant les notes balinaises! 

J'ai aussi appris qu'ils utilisaient des symboles écrits pour désigner ces notes. Je les ai bien pris en note mais suis incapable de vous les transmettre à l'aide de ce clavier tant ils n'ont rien à voir avec notre alphabet!

Ps: J'ai eu le malheur d'enjamber un gangsa, ce qui est clairement proscrit, ces instruments étant sacrés. On les déplace si il faut ( et dieu sait que certains sont lourds!) mais jamais, au grand jamais on ne les enjambe...On ne m'y reprendra plus...

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